Cette nouvelle est celle qui va susciter beaucoup de colère en vous. Vous vous sentirez impuissants. Vous serez au bord des larmes, pour les plus émotifs. Vous aurez envie de vous incruster dans l'histoire, pour parler avec certains personnages afin de leur donner une conduite à suivre.
Je revois encore mon père, ayant la première édition de ce recueil entre les mains, on l'entend s'interroger et s'extasier sur le fait que je n'ai jamais vécu dans son village maternel et que je puisse décrire avec perfection les scènes qui s'y déroulent.
Dans le LOURD SECRET, la victime devient complice de son bourreau pour sécuriser l'intérêt familial, pour préserver la belle réputation, l'honneur de la famille.
En écrivant cette histoire, j'étais à la recherche de ma petite Ange Marie Emmanuelle, une enfant à qui j'avais promis veiller sur elle et la prendre avec moi après le tragique décès de sa maman. Certaines difficultés, ne m'ont pas permis de le faire, cet enfant m'a recherché, a fugué, a été protégée par des personnes dans la rue, et a fini par se construire elle-même. Je m'en suis voulu pendant très longtemps, je m'imaginais le pire, elle qui avait été confrontée à la drogue et l'alcool en classe de 6ème , parce que fréquentant uniquement des élèves de Terminale de son école. Je me suis sentie impuissante, même si je la récupérais, comment j'aurai pu veiller sur elle, elle n'était plus toute petite , elle n'avait pas de bonnes fréquentations et j'étais tout le temps partie.
Il y a 2 ans, elle m'a retrouvé, elle est devenue une magnifique jeune femme, mère d'une petite fille d'une dizaine de mois, elle m'a dit : "Tata Michelle, lorsque maman était encore en vie, tu t'occupais de nous lorsque c'était dur, pourtant tu avais toi-même beaucoup de difficultés, pour ce que tu as été pour moi lorsque j'étais enfant, je veux devenir une personne meilleure, je veux que ma fille ne manque de rien, je vais me battre pour être sur le droit chemin".
Je l'observe de loin, je lui donne des conseils lorsque j'estime qu'elle est réceptive, elle sait que je suis une épaule sur laquelle elle peut se poser lorsque tout va mal. Je ne suis pas totalement d'accord avec ces choix, mais je pense que tout n'est pas totalement perdu.
Pourquoi j'ai pensé à elle en écrivant cette histoire, il ne s'agit pas du même contexte, il ne s'agit pas de réputation ou d'image à préserver : elle faisait sa crise d'adolescence.
Un jour où je l'ai retrouvé après sa première fugue, elle avait une tenue légère, elle avait fait une coloration un peu osée sur ses cheveux pour l'enfant de 12ans qu'elle était. Je lui ai demandé qui lui avait donné cette tenue vestimentaire, elle m'a répondu : " une tata prostituée, chez qui je dors souvent", j'ai eu froid dans le dos.
Quelques années en arrière, au cours d'une évangélisation de rue, j'ai rencontré et échangé avec des enfants de 6 à plus, qui étaient prostituées, c'était aux mille maquis à Marcory, elles le faisaient pour aider leurs mamans à accroitre leur commerce de fruit.
Je me suis dit :"Michelle, cette enfant t'a été confiée et tu n'as pas su lui éviter la rue".
Dans ce taxi, à minuit, lorsque je l'ai récupérée chez ma soeur et amie Romaine qui l'a gardé pour moi, le temps que je puisse lui trouver un point de chute, je lui ai tenu la main et je l'ai serré dans mes bras :" Ange Marie, je t'aime mon enfant, mais malheureusement c'est difficile pour moi, lorsque j'en avais la possibilité, je payais tes fournitures scolaires , je remettais un peu d'argent pour toi, mais aujourd'hui je n'ai vraiment pas cette possibilité, si je t'ai pas prise avec moi c'est parce que c'était dur à la maison, tu sais maintenant je suis plus avec tonton, j'espère qu'un jour tu pourras me pardonner parce que je n'ai pas pu tenir ma promesse, ne l'oublie pas je t'aime."
Lorsque ma situation s'est stabilisée et quelque peu rétablie, je ne savais plus où la retrouver, elle avait une fois de plus disparu jusqu'à ce qu'un jour en 2022, je reçoive un message : "Tata, c'est Ange Marie"
J'ai trop parlé ( ce n'est pas une nouveauté, vous devez être habitués maintenant), je vous laisse suivre l'intervention de Mme Odile Pohan
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